Les 5 niveaux de communication peuvent tous être schématisés à partir de seulement deux de nos sens: la vue et l’ouïe. Facile? Pas si sûr.
Au premier étage, « je t’écris, puis je te lis »
C’est le SMS, le chat, l’e-mail, tous ces nouveaux moyens d’échanger de l’information, qui n’existaient pas il y a 25 ans, et qui ont bouleversé nos méthodes de communication. Pas de voix, pas de tonalité, pas de vibrations… De plus en plus favorisé dans notre société où tout doit aller vite, très vite, ce mode d’échange est forcément limité, puisque les mots ne représenteraient que 7% seulement de la richesse d’une communication complète. Totalement dénué d’émotions, même si les émoticônes ont été créés pour « corriger le tir », ce niveau de communication devrait être limité aux seuls échanges d’informations pratiques, factuelles et succinctes, ou aux formules de politesse lors d’un envoi de document. Est-ce bien toujours le cas?
Au second étage, « je te parle et je t’entends »
C’est le téléphone. la voix s’ajoute aux mots, mais aussi son intonation, son volume, son rythme, sa vibration… Le curseur d’efficacité de la communication grimpe à 45%. On peut percevoir une émotion, comme une colère, une joie, une tristesse.. mais on peut aussi faire fausse route et les erreurs potentielles d’appréciation sont encore nombreuses: La voix tremble, mais est-ce de froid ou par peur de quelque chose? Tu parles fort parce que tu m’entends mal ou parce que tu es en colère? Ton silence est-il consentant ou traduit-il une gêne?
Bien sûr, le téléphone permet d’argumenter, d’expliquer, de préciser, mais il suppose un émetteur et un récepteur non simultanés. L’un parle, l’autre entend, au moins le suppose-t-on. Et vice-versa. C’est pour cela que le téléphone n’est pas adapté à confronter des points de vue, comme en négociation par exemple, en tout cas pas quand on a le choix de se rencontrer physiquement.
Au 3 ème étage, « je te vois, je t’entends me parler »
L’image se joint au son. Mais est-ce suffisant? je peux être en réunion et penser à tout autre chose que ce que m’explique l’animateur. Je peux voir un film en entier et n’en avoir rien retenu une heure plus tard. Je peux être au restaurant avec une jolie femme, mais avoir deux heures d’avance dans mes pensées (quel goujat!). La présence physique ne suffit donc pas à la communication. Il manque un élément essentiel: la concentration
Au 4 ème étage, « je suis avec toi, je te regarde et je t’écoute »
La communication prend alors de bonnes chances de réussir, au moins partiellement. Tout le monde est capable d’arriver à ce niveau. L’échange est possible par la proximité, le regard et l’audition. Le non-verbal entre en scène. les expressions du visage, des mains, du corps, permettent de préciser les paroles. Maintenant je peux comprendre que tu trembles parce que tu as peur, je sais que tu parles fort parce que tu es en colère, et j’ai compris que ton silence exprime une gêne parce que tu baisses les yeux… Le simple fait d’être ensemble me fournit une multitude d’informations sur ce que tu ressens, sur ta conviction, ta sincérité, ton émotion… En même temps je peux percevoir par tes réactions quel impact ont mes paroles sur toi. Nous sommes tous les deux des émetteurs et des récepteurs en même temps. La communication est donc possible. Mais encore souvent difficile… Surtout quand les émotions s’en mêlent…
Parce que contrairement à ce qu’on peut lire ou dire ici ou là, l’écoute ne suffit pas pour comprendre. Écouter, c’est laisser un message extérieur arriver à son cerveau. Mais celui-ci est bourré de filtres, de pièges inconscients qu’on s’est construits peu à peu, dans notre éducation, dans nos croyances, dans nos expériences de vie… Et ces filtres retiennent très facilement, comme une épuisette, tout ce qui est contraire à ce cadre de référence personnel. Pas de honte! L’être humain est programmé pour cela. Du coup, certains éléments de la discussion sont aussitôt rejetés, ou ignorés, et cela génère de la tension entre les interlocuteurs… Jusqu’à couper court, tôt ou tard, à l’échange qui s’est mué en confrontation. Parce qu’il manque encore un facteur, très technique et difficile à acquérir, pour parvenir à l'ultime niveau de la communication aboutie.
Au 5 ème étage, « je suis là pour toi, je m’ouvre à tes arguments et je cherche à comprendre ce que tu ressens. »
C’est l’empathie, le niveau qui permet de comprendre (et non plus simplement de percevoir) le point de vue de l’autre, ses contraintes, ses peurs, sa joie… Le niveau qui demande l’effort difficile de ne porter aucun jugement de valeur, de mettre en veille son propre cadre de référence. Le niveau qui permet d’ouvrir les portes de son cerveau aux explications de l’autre, à ses arguments, à ses émotions… L’objectif n’est pas nécessairement de ressentir la même chose que lui (ce serait de la compassion), mais bien de comprendre ce qui peut l’amener à émettre un raisonnement que j’ai du mal à cerner… ou de comprendre pourquoi il fait ou veut faire quelque chose que j’ai du mal à accepter.
Au niveau 4 j’avais bien vu que tu avais peur, que tu étais en colère, que tu avais honte. Mais je ne savais pas pourquoi. Au niveau 5, grâce à l’empathie, je vais tenter d’en comprendre la raison. Et même si je pense que tu as tort, et même si je finirai quand même par te donner mon point de vue, je dois d’abord tout faire pour te comprendre. Je te laisse venir à moi. Et je me tais.
En tant que manager j’avoue avoir rarement eu la patience ou l'habileté de grimper au cinquième étage de la communication. Quelque rares fois seulement. Et pourtant,
avec du recul, je réalise qu’à chaque fois que j’ai su le faire, même de façon imparfaite, j’ai obtenu des résultats spectaculaires en termes de satisfaction des deux parties à l’issue de l’échange.
Finalement, ces Danois ont bien raison d’enseigner l’empathie aux enfants dès l’école primaire! C’est ça, peut-être, le nouveau langage universel à réinventer...
Pour un monde apaisé où les êtres humains pourraient mieux accepter leurs différences.
Pour une entreprise où les collaborateurs se sentiraient plus écoutés, mieux considérés, mieux valorisés... et donc plus performants... durablement.